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une gratification par quelque nouvel ouvrage[1] » quand éclata la guerre des Princes. La petite praguerie organisée contre la reine mère ne causait probablement pas grande indignation au poète ; mais, comme la reine mère le payait, il importait de flétrir les révoltés. Justement il y avait un psaume qui célébrait la défaite des ennemis d’Israël et la vanité de leurs embûches : et comment n’y aurait-on pas songé, alors que depuis longtemps les partis en France se jetaient à la tête des passages de l’Écriture ? Notre homme se mit donc à paraphraser le psaume CXXVIII, atténuant une image trop forte[2], exprimant clairement le fœnum tectorum[3] qu’il fallait bien expliquer aux habitants du Louvre, et rendant en somme les principales pensées avec une certaine élégance, et le plus de soin possible. Il y mit même tant de soin qu’il n’eut pas fini à temps — cela lui arriva plus d’une fois — et la révolte fut apaisée avant que le psaume fût traduit. Mais en cette occasion le poète eut de l’esprit en arrivant trop tard. La reine, qui venait d’obtenir à prix d’or la capitulation des princes, se faisait lire la

  1. Malh., III, 258, et I, p. XXVII, n. 2 (Not. biogr.) ; cf. Poésies de Malherbe avec les observations de Ménage, 2e éd. (1689), p. 212.
  2. Super tergum meum araverunt aratores (verset 3) : cf. Malh., I, 207, v. 10-12.
  3. Malh., I, 208, v. 19-24. — Il a été moins heureux ici que dans la consolation à du Périer ; il rend assez longuement l’idée de la brièveté de la vie comparée à celle de l’herbe :

    ........
    Et vivre une journée
    Est réputé pour elle une longue saison.

    Une pensée semblable devait être reprise à la Bible, et exprimée plus sobrement, par Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre, 1er partie : « Madame cependant a passé du matin au soir ainsi que l’herbe des champs ».