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pas été à force de lire des textes sacrés : « Dispersit superbos mente cordis sui, c’est tout ce que je sais du Magnificat[1] », écrit-il à Peiresc, et je le soupçonne fort de faire cet aveu précisément à l’occasion d’une de ses paraphrases, et de cligner de l’œil du côté des malins.

Sans qu’on puisse dire pourquoi, ni même au juste quand, Malherbe commença par traduire le psaume VIII, qui avait déjà occupé J.-A. de Baïf en même temps que les paraphrastes de profession. Il célèbre la « Sagesse éternelle » en vers plus corrects que ceux de ses prédécesseurs, et il ajoute à son modèle un détail curieux. Rencontrant « les oiseaux du ciel et les bêtes de la terre et les poissons qui parcourent les sentiers de la mer », au lieu de faire de cela un de ces tableaux oratoires que Bertaut savait réussir, il s’écrie, en s’adressant toujours à Dieu :

Et par ton règlement, l’air, la mer et la terre
N’entretiennent-ils pas
Une secrète loi de se faire la guerre
À qui de plus de mets fournira ses repas[2] ?


Et cela, on le sait, il l’a pris dans Sénèque, que nous retrouverons souvent dans sa pensée et, partant, dans sa poésie.

Sa seconde paraphrase est celle du psaume CXXVIII ; et on connaît les circonstances dans lesquelles elle fut faite : Malherbe voulait, depuis plus d’un an, « mériter

  1. Malh., III, 306 et n. 8. Cette phrase, qui est sur un feuillet séparé, semble se rapporter, d’après M. Lalanne, à la guerre des Princes de 1614 ou de 1615 : en ce cas elle serait venue probablement sous la plume de Malherbe à propos de sa paraphrase du psaume CXXVIII, écrite à l’occasion de cette guerre.
  2. Malh., I, 63. Cf. Sénèque, De beneficiis, IV, 5 (trad. Malh., II, 94).