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CHAPITRE III

La Bible


De toutes les influences subies par les écrivains français, celle de la Bible est la plus longue, et la seule peut-être qu’aucune révolution littéraire n’ait contestée : depuis le Psautier de Montebourg jusqu’à la Conscience de Victor Hugo, les générations successives ont mis dans leur interprétation des Livres saints la forme de leur pensée et de leur art. Le XVIIe siècle s’y est appliqué comme les autres, et ses idées religieuses ont trouvé leur expression dans un genre qui jette alors son plus vif éclat, l’éloquence de la chaire[1]. Les Français de ce

  1. Le lyrisme, ou du moins la poésie de Bossuet, mise en lumière par M. Brunetière, avait déjà frappé Vauvenargues : « Il y a plus de poésie dans Bossuet que dans tous les poèmes de La Motte » (Réflexion 303). — L’idée de la rénovation de la poésie par la Bible, développée par le même critique (notamment dans l’Évolution de la poésie lyrique au xixe siècle, 3e éd., I, p. 115), se trouve dans une page curieuse de Louis Veuillot, que me signale mon excellent maître M. Henri Francotte : « Les eaux de Jouvence de la poésie coulent dans la Bible, et ces eaux semblent particulièrement destinées à la poésie française, qui doit être une poésie raisonnable, parce que la langue française est une langue raisonnable. De là, l’universalité du génie français. Génie d’imitation si l’on veut (je dirais plutôt génie d’assimilation), et cette qualité lui constitue une originalité incomparable. Le Français voit dans ce qu’il imite ce que les autres ne voient pas, et le leur fait voir. Ainsi Claude Lorrain imitait la nature et Raphaël la physionomie humaine » (Correspondance de Louis Veuillot, VII, p. 354).