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comme faisaient tous les néo-stoïciens, et Malherbe, qui traduisit Sénèque, a pu le lire et l’admirer en compagnie du docte magistrat. Il avait, en tous cas, en commun avec celui-ci le goût de la raison en littérature et du naturel dans le langage ; et il ne se trouvait pas seul pour combattre le maniérisme et le langage affecté : « Malherbe, feu Mr. le cardinal du Perron, feu Mgr du Vair et les plus habiles hommes que j’aye veu à la Cour, raconte Peiresc en 1624, parlants de ce langage (le langage affecté), disent qu’il doit plaire tout de mesme comme fairoit un homme qui pour aller à l’Église à la messe et par la ville, iroit en dançant une sarebande…[1] »

À Paris surtout Malherbe subira l’influence de la société pour laquelle il écrira désormais : « Il disoit souvent, et principalement quand on le reprenoit de ne suivre pas bien le sens des auteurs qu’il traduisoit ou paraphrasoit, qu’il n’apprêtoit pas les viandes pour les cuisiniers ; comme s’il eût voulu dire qu’il se soucioit fort peu d’être loué des gens de lettres qui entendoient les livres qu’il avoit traduits, pourvu qu’il le fût des gens de la cour ; et c’étoit de cette même sorte que Racan se défendoit de ses censures, en avouant qu’elles étoient fort justes, mais que les fautes qu’il lui reprenoit n’étoient connues que de trois ou quatre personnes qui le hantoient, et qu’il faisoit ses vers pour être lus dans le cabinet du Roi et dans les ruelles des dames, plutôt que dans sa chambre ou dans celles des autres savants en poésie[2] ». Malherbe

  1. Lettres de Peiresc, t. V, p. 30-31 (6 sept. 1624).
  2. Racan, Vie de Malherbe (Malh., éd. Lalanne, t. I, p. LXXX).