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excellent poète, il faut être né dans la Normandie[1] », En ce temps-là tout le monde en France était un peu de Normandie. Mais, quand la société du XVIIe siècle sera définitivement constituée, quand l’œuvre de Henri IV sera reprise et consolidée, et que la royauté aura dompté la Fronde, les velléités d’indépendance et les coups de force, un monde élégant, instruit et poli se formera autour de la Cour, et l’Ile-de-France fournira alors, avec les provinces de l’Est, les plus grands écrivains de la seconde moitié du siècle, et les vrais classiques. Entre le pays du soleil, de l’exaltation et de la Renaissance, et cette terre de sapience où l’on trouve qu’il y a encore « trop de fantaisie et trop peu de raison en France[2] », le Centre prononcera en dernier lieu, et montrera comment s’accordent le cœur et l’esprit.

Les Normands, en possession d’administrer la poésie française, ne pouvaient se dispenser des pensées fleuries et des images que le public attend des poètes ; et, plutôt secs de nature, ils devaient, aussi bien que leurs devanciers, puiser aux sources traditionnelles. Ils vont parler de la nature comme on en parle dans les recueils de poésie et notamment chez les Anciens, de l’amour comme les Italiens, de Dieu comme les Livres Saints, et ils passeront sans peine de l’un à l’autre sujet. Ce n’est pas qu’ils n’aient, en fait d’imitation, des préférences et des répugnances bien marquées. Positifs, sensés, raisonneurs, ils

  1. La Pinchère, préface de la tragédie d’Hippolyte (cité par Hippeau, Les écrivains normands au XVIIe siècle, p. 114, n. I, et par Grente, Bertaut, p. IX).
  2. Saint-Évremond, t. V, p. 19 (Histoire de la langue et de la littérature française sous la direction de Petit de Julleville, t. V, p. 212).