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de Montchrestien développer les grands lieux communs exactement dans le moule que les Stances à du Périer ont illustré. Ce n’est sans doute pas un pur hasard que les pièces aujourd’hui les plus populaires de la Pléiade soient des sonnets, tandis que les vers de Malherbe connus de tous sont des stances : le sonnet suffit à l’expression d’un sentiment délicat, à une impression artistement notée ; le raisonnement se développe plus aisément en stances régulières et nombreuses. C’est ainsi qu’il se développa chez Malherbe[1], en attendant qu’il reçût le cadre mieux préparé, plus majestueux et plus large, de la tragédie cornélienne et des discours pleins de l’esprit romain. Les Normands travaillèrent de toutes leurs forces à son élaboration, et l’on estimait tant les recrues qu’ils donnaient à la littérature française, qu’un Angevin de 1635, au lieu d’évoquer le gracieux souvenir de son compatriote du Bellay, disait d’un ton d’excuse : « Comme autrefois, pour être estimé poli dans la Grèce, il ne fallait que se dire d’Athènes,… maintenant pour se faire croire

    François de Malherbe ne composèrent que fort peu de sonnets ». — Cf. aussi Cognet, Godeau, p. 2-3. — Pour l’histoire du sonnet, cf. H. Vaganay, Le sonnet en Italie et en France au XVIe siècle (Lyon 1902 ; Bibliothèque des facultés catholiques).

    Un poète normand, M. Albert Glatigny a même voulu (de façon téméraire, d’ailleurs) voir l’invention d’un poète normand dans l’emploi de l’alexandrin,

    Ce vers souple et lier aux belles résonnances,
    Où l’idée est à l’aise et prend les contenances
    Qu’il lui plait, ce grand vers majestueux et doux,
    Et que Pierre Corneille, un autre de chez nous,
    A fait vibrer si clair et si haut.

    (À Alexandre de Bernai, dans Gilles et Pasquins.)

  1. Le même passage du sonnet à la stance s’est accompli aussi en Italie un peu plus tôt (voy. Vianey, dans la Revue d’hist. litt. 1904, p. 159).