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même qu’avec des recettes on pouvait faire une épopée. Dieu sait ce qu’elle valait, et Boileau nous l’a dit ; mais quel système littéraire n’a pas ses erreurs, et quel écrivain n’a pas les défauts de ses qualités ?

Les Normands se montrent habiles, entreprenants et actifs dans le métier des lettres. Ils les avaient toujours cultivées, et déjà ils avaient accueilli avec empressement la poésie française, dès la période épique ; le « puy de Rouen » était encore fameux au XVIe siècle, et pendant tout un temps le théâtre de cette ville se rangea immédiatement après celui de Paris[1]. À la cour de Henri IV, qu’il va falloir dégasconner, nous les voyons en nombre et en bonne place : Duperron, qui prêche[2], écrit, rime, négocie, est là pour introduire, comme on a dit, le Béarnais dans l’Église et Malherbe dans la littérature ; Bertaut y est aussi, et tous s’entr’aident ; le fils du poète normand des Yveteaux est précepteur des enfants royaux ; Duperron et des Yveteaux[3] recommandent Malherbe, qui comptera parmi ses disciples son concitoyen et parent Colomby et

  1. De 1566 à 1630, les libraires de Rouen n’avaient pas imprimé moins de soixante-six tragédies. Monchrestien, s’il fut joué quelque part, ce qu’on ignore, dut l’être à Rouen, où fut publié son théâtre » (Petit de Julleville, dans la préface de son édition de Nicomède. p. 6.). On sait maintenant que l’Écossaise fut représentée à Orléans en 1603 (Auvray, dans la Revue d’histoire littéraire de la France, 1897, p. 89-91).
  2. Voy. G. Grente, Quae fuerit in cardinali Davy Du Perron vis oratoria (Paris, 1903).
  3. Malherbe paraît n’avoir pas toujours méprisé les vers de des Yveteaux ; dans la pièce que celui-ci a mise en tête des œuvres de Desportes, et que Malherbe corrige dans son exemplaire, il trouve beaucoup moins à reprendre qu’en moyenne dans les œuvres mêmes.