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dit de Malherbe : « Je ne sache pas de plus bel exemple dans l’histoire des littératures que celui de cet homme[1]… » Cette peine et ce labeur, dont on peut, si l’on veut, leur être reconnaissant, c’est aux yeux des écrivains comme Malherbe le signe et la condition du génie. L’art, la poésie, est un métier à apprendre, à perfectionner, et aussi à laisser là quand un autre le remplit mieux (ainsi fit Duperron devant Malherbe, qui lui ressemblait en le surpassant), à ne pas entreprendre quand on n’y est pas habile (Malherbe dit à un amateur, comme Alceste dira à Oronte, qu’il ne faut commettre de mauvais vers que sous peine de mort[2]). Mais ce métier, où « tout doit se faire à froid, posément[3] », on peut le définir, en chercher les recettes : et plusieurs Normands ont voulu codifier l’art, depuis Fabri, auteur du Grand et vrai art de pleine rhétorique, jusqu’à Vauquelin, qui devance Boileau dans son Art poétique ; Chapelain, critique normand, crut

  1. Histoire de la littérature française (17e éd.), I, 415.
  2. Cf. Arnould, Racan, p. 66, et Anecdotes inédites sur Malherbe. Remarquons ici que ce n’est pas le seul trait de Malherbe qu’on retrouve dans Molière : le jeu de mot « sonnet et sonnettes » (à la fin des Précieuses ridicules) en est un autre. Comme Alceste à la poésie amoureuse du temps, Malherbe avait préféré à toutes les œuvres de Ronsard une chanson populaire.
  3. Flaubert, Corresp., 2e s., p. 175. — C’est par la méthode que Flaubert s’expliquait les grands classiques : « Nous nous étonnons des bonshommes du siècle de Louis XIV, mais ils n’étaient pas des hommes d’énorme génie ;… non ! mais quelle conscience ! comme ils se sont efforcés de trouver pour leurs pensées les expressions justes ! quel travail ! quelles natures ! comme ils se consultaient les uns les autres, comme ils savaient le latin ! comme ils lisaient lentement ! Aussi toute leur idée y est, la forme est pleine, bourrée et garnie de choses jusqu’à la faire craquer ». (Corresp., 2e s., p. 194.)