Il ne sut que reprendre en son apprentissage,
Sinon qu’il le jugeoit pour un poëte trop sage[1] ».
« Sage », c’était bien la qualité de Bertaut,
Ce poète prudent, dont la muse sensée
Sut de toute façon si bien se contenir
Qu’à sa place d’honneur Despréaux l’a laissée[2].
Aussi ce poète est le seul des « anciens poètes français » que Malherbe estime un peu[3]. La sagesse, la « retenue » que Boileau attribue à Desportes et à Bertaut, va s’imposer de plus en plus à la poésie française, et les Normands sont de tous les Français ceux qui s’y prêtent le mieux. Qu’on ne s’étonne pas d’entendre un poète d’alors vanter
La douceur de Malherbe et l’ardeur de Ronsard :
la douceur n’est ici que le ton calme, raisonnable et posé
qui succède à l’ardeur lyrique, aux ambitions pindariques
et à tous les enthousiasmes de la Pléiade. Les nouveaux
écrivains ne sont plus des vates inspirés ; le poète
à leurs yeux est même, après réflexion, assez peu de
chose : Malherbe ne le place guère au-dessus du bon
joueur de quilles, et je n’oserais dire à quoi le comparait
Vauquelin[4] — car les Normands bravent parfois l’hon-
- ↑ Mathurin Régnier, Satire V.
- ↑ G. Le Vavasseur, À Bertaut (Aux Poètes normands, Soc.
Antiq. de Norm., 27 nov. 1884, cité par Grente, Jean Bertaut, p. 412). - ↑ Racan, Vie de Malherbe (Malh., t. I, p. LXIX). Malherbe parait en outre estimer ses oraisons funébres (Malh., t. III, p. 202). Il n’a pas laissé, d’ailleurs, de trouver ses stances « nichil-au-dos ».
- ↑ Épître à Baïf (Vauquelin, éd. Travers, t. I, p. 289).