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quand il dit que la paix va renaître, que le roi triomphant va ramener la prospérité en France, que les révoltés vont être anéantis ; et dès la fin du moyen âge le Normand Alain Chartier, « le très noble orateur » qu’admirent encore Marot et bien d’autres[1], se trouvait être le fondateur de l’éloquence politique en vers. Corneille disserte habilement — parfois à la Machiavel — sur l’idée républicaine et la raison d’État et se félicite d’avoir mis la politique au théâtre[2] ; et il n’est pas jusqu’au petit Boisrobert dont on n’ait pu vanter le discernement dans les troubles et les complications politiques de son temps. Casimir Delavigne encore, ce « Normand rusé[3] », a dû la plus grande part de son succès à un thème heureusement adapté aux circonstances politiques. De la politique à l’histoire il n’y a qu’un pas, et les Normands l’ont franchi. Dès le moyen âge leurs trouvères sont des chroniqueurs en vers et « se sont piqués d’exactitude[4] ». L’« exact Mézeray » était un Normand (qui dans sa jeunesse avait pensé faire des vers) ; et on pourrait retrouver la même qualité jusque chez un de ses compatriotes d’aujourd’hui, M. Léopold Delisle. Montchrestien songeait à écrire l’histoire de la Normandie ; Malherbe, si dédaigneux pour l’érudition, traduit Tite-Live et estime les travaux de traducteur et d’historien de Coeffeteau et de Faret ; Colomby traduit

  1. Voy. Petit de Julleville, Histoire de la langue et de la littérature française, II, 374-5.
  2. Préface de sa trad. de l’Imitation.
  3. Flaubert, l. c., 2e s., p. 107.
  4. A. Héron, Trouvères normands (Rouen 1885), p. 23. G. Paris, La litt. norm. avant l’annexion, p. 31, et L’esprit normand en Angleterre (dans la Poésie du moyen âge).