qu’on trouve chez leur Louis Bouilhet, « comme ambition suprême un poème résumant la science moderne, et qui aurait été le De natura rerum de notre âge[1] ». Mais dans les lettres pures ils doivent se sentir, à première vue, un peu dépaysés. D’abord, en en cherchant l’utilité — le Normand Turnèbe écrit, en manière de satire, de nova captandae utilitatis et litteris ratione — ils s’aperçoivent vite qu’elles ne sont pas faites « pour le profit[2] ». Aussi arrive-t-il à tel d’entre eux de « quitter tout à fait cet exercice quand le roi lui fait l’honneur de l’occuper en ses affaires[3] », ou à tel autre, plus récent, de déconseiller la poésie aux jeunes gens :
Jeune homme au cœur léger, ne touche point la lyre.
Va demander ta joie aux rêves d’ici-bas[4].
D’autres continuent, non sans se trouver « bien fous de n’avoir pas plutôt songé à l’établissement de leur fortune[5] ». Ils ne se résignent d’ailleurs pas à y perdre, et depuis le vieux Wace jusqu’au grand Corneille[6] — en passant par Malherbe, qui « mendie le sonnet à la main » — on les voit tous soucieux de gagner[7] et occupés à
- ↑ Préface par Flaubert (Œuvres de Bouilhet, éd. Lemerre, p. 290).
- ↑ Vauquelin de la Fresnaye, Épître à Baïf (éd. Travers, I, p. 288), traduisant ainsi « per ben » de Sansovino (Vianey, Mathurin Régnier, p. 76). Cf. aussi Bouilhet (éd. Lemerre), p. 104.
- ↑ Duperron, cité par Racan, Vie de Malherbe (Malh., éd. Lalanne, I, p. XLV).
- ↑ Bouilhet, (éd. Lemerre), p. 64.
- ↑ Malherbe, cité ibid., p. LXX.
- ↑ Rapprochement fait par M. Suchier (Suchier & Birch-Hirschfeld), Geschichte der frz. Litteratur). Cf. aussi G. Paris, La littérature normande avant l’annexion.
- ↑ Il est curieux de voir, par exemple, que Guillaume le Clerc, dans son Bestiaire divin, parle déjà « de Sire Raul sun seignur » comme Malherbe parlera de Henri IV dans ses lettres à Peiresc.