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Ronsard était trop enthousiaste, du Bellay « trop facile », Desportes trop faible, Bertaut un peu trop facile et trop faible aussi, Régnier trop « à la diable », pour s’employer uniquement à « mettre le mot en sa place », et cette dernière besogne fut celle de Malherbe. Comment il l’a comprise et réalisée, c’est ce qu’a établi M. Brunot. Quant au « mot » lui-même, il le prenait n’importe où, même chez ses prédécesseurs français.

M. Chamard à propos de du Bellay, M. Vianey à propos de Mathurin Régnier, M. Chenevière et d’autres à propos de Bertaut, ont tous dit que leur auteur devançait Malherbe ; il est peut-être encore moins paradoxal de dire que Malherbe continue la Pléiade et les écrivains de la fin du XVIe siècle, et nous espérons avoir montré qu’il ne se fait pas faute de leur reprendre des idées, des images et des expressions, parfois sans en garder la grâce enjouée, souvent en les généralisant, en les clarifiant, et surtout en se montrant plus sobre de « faculté verbale ». C’était un poète fort sec, comme dit le cavalier Marin, et c’est sans doute ce qu’il fallait. De même que dans l’Élégie de Desportes

Le malheureux Damon tout en pleurs s’écoulait[1],


la poésie française aurait peut-être risqué de s’écouler toute en vers faciles et bavards, si on ne lui avait mis des digues étanches et étroites.

  1. Desportes, p. 319.