Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/233

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 225 —

Régnier se rapproche de Malherbe par l’un des côtés principaux de l’œuvre du réformateur : la forme du vers, la concision, l’habileté à enfermer la pensée la plus complète dans le cadre le plus ferme et le plus limité.

On sait que Malherbe « l’estimoit en son genre à l’égal des Latins[1] ». Dans les vers du satirique, « soutenus, nombreux, détachés les uns des autres[2] » — ce sont les qualités que Brossette reconnaît à Régnier, et ce sont exactement celles de Malherbe — il y avait aussi à glaner, et le neveu de Desportes parle comme parlera l’ennemi de son oncle, des vieux contes d’honneur :

Ces vieux contes d’honneur dont on repaist les dames
Ne sont que des appas pour les débiles ames
Qui sans choix de raison ont le cerveau perclus[3].

Ces vieux contes d’honneur, invisibles chimères,
Qui naissent aux cerveaux des maris et des mères,
Etoient-ce impressions qui pussent aveugler
Un jugement si clair[4] ?

Toutes ces tirades dont Régnier trouva la formule lapidaire[5] remontaient aux mêmes sources italiennes, et on ne peut guère dire quelle part revient, dans les vers de Malherbe, aux poètes français plutôt qu’aux Italiens.

  1. Racan, l. c., p. LXIX.
  2. Voy. l’édition de Macette par les élèves de M. Brunot, Introd., p. LII et XLIII.
  3. Satire XIII (Macette), v. 81-83.
  4. Malh., I, 29-30.
  5. L’honneur est un vieux saint que l’on ne chomme plus.

    (Satire XIII, v. 84).