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jeune fille (qui s’appelait Marguerite) il donne un nom de bucolique, Rosette, qui était notamment celui de l’héroïne d’une villanelle de Desportes :

Ta douleur, Cléophon, sera donc incurable…
Et ne pouvoit Rosette être mieux que les roses…
Non, non, mon Cléophoa[1].


Dans la rédaction définitive (qui parut en 1607), le nom de Cléophon est remplacé par celui de du Périer ; mais Malherbe, qui dans l’intervalle a relu et commenté Desportes, semble garder plus d’un trait de l’élégie ; et à l’aide du commentaire qu’il a donné de celle-ci on peut mesurer la distance qui sépare un écrivain de l’autre :

Tant peu l’amitié sainte en une âme bien née,


disait Desportes[2] ; et Malherbe :

Et les tristes discours
Que te met en l’esprit l’amitié paternelle[3]


Desportes disait à Cléophon :

Quel rempart assez fort la raison te garda[4]
En ce torrent de deuil, qui sur toy déborda,
Valeureux Cléophon, quand la triste merveille
D’un tel bruit vint frapper ton âme et ton oreille ?


( « Quelque pédant trouvera ici d’une figure ὔστερον

    vertis dans son édition de Desportes, il a fait lui-même la correction (voy. Desportes avec commentaire de Malherbe à la Bibl. nat., p. 210, 216).

  1. Première rédaction, v. 1, 15, 25. Cf. la villanelle Rozette dans Desportes, p. 450.
  2. Desportes, éd. Michiels, p. 319.
  3. Malh., I, p. 39.
  4. Desportes, p. 319. Au torrent de deuil, cf. « la nue dont la sombre épaisseur aveugle la raison » de Marie de Médicis à la mort de Henri IV (Malh., I, 179).