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Desportes et Malherbe ont aussi la même manière de faire l’éloge d’une œuvre littéraire en l’attribuant à un dieu ou à Dieu — ce qui est d’ailleurs une formule assez répandue[1], et qu’on retrouve dans l’épigramme où Boileau attribue la composition de l’Iliade à Apollon. Le poète de Diane et d’Hippolyte avait composé sur la Bergerie de Rémy Belleau un sonnet qui commençait ainsi :

Quand je ly, tout ravy, ce discours qui soupire
Les ardeurs des bergers, je t’appelle menteur,
(Pardonne-moy) Belleau, de t’en dire l’autheur ;
Car un homme mortel ne sçauroit si bien dire[2].


Puis il suppose qu’Amour a contraint Phébus de redevenir berger et de dicter la Bergerie ; et cela l’amène à demander à ce Phébus ou le succès auprès de la belle Hippolyte, ou la force de déplorer son insuccès en aussi beaux vers que ceux de Belleau. Malherbe considère ce sonnet comme « un des bons qui soient dans Desportes[3] » ; aussi le refait-il pour vanter — toujours en un sonnet — le livre de La Ceppède sur la Passion :

J’estime la Ceppède, et l’honore, et l’admire,
Comme un des ornements des premiers de nos jours ;
Mais qu’à sa plume seule on doive ce discours,
Certes, sains le flatter, je ne l’oserois dire[4].

  1. Ménage (p. 431) ne cite pas Desportes à ce sujet, mais les vers que du Périer composa en 1578 pour le panégyrique du livre de Laurans : Malherbe, alors en Provence, a sans doute connu les vers de son ami ; mais il avait relu Desportes quand il écrivit son sonnet à La Ceppède.
  2. Desportes, p. 431. Voy. plus haut chapitre II.
  3. Malh., t. IV, p. 451.
  4. Malh., I, 204.