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haut[1] — ; il appelle les morts des ombres, soit qu’il écrive l’épitaphe de son premier fils[2], soit qu’il parle de la fille de du Périer[3] ou « aux ombres de Damon[4] ». Il conçoit la nation comme ayant un « génie » ou un « démon » : il dit « le démon de la France » comme du Bellay disait « le démon romain[5] » et Montchrestien « le démon anglais[6] » ; il faut entendre « démon » au sens grec ; les Stances pour Alcandre parlent même d’« un démon favorable ».

Malherbe ne dédaigne pas non plus de se servir de du Bellay. Si, comme nous l’apprend Régnier, il le trouve « trop facile », s’il lui reproche, dans son commentaire sur Desportes, la cheville or(e) « dont il s’escrimait[7] », il lui arrive de reprendre, pour l’appliquer au duc de Bellegarde, une strophe de l’Ode au prince de Melfe dont l’idée, du reste, remonte au moins à Politien[8], et fut chère aux latinistes du XVIIe siècle :

Mais comme errant par une prée
De diverses fleurs diaprée,
La vierge souvent n’a loisir,
Parmi tant de beautés nouvelles,
De reconnaître les plus belles,
Et ne sait lesquelles choisir,

Comme en cueillant une guirlande
L’homme est d’autant plus travaillé
Que le parterre est émaillé
D’une diversité plus grande ;
Tant de fleurs de tant de côtés
Faisant paraître en leurs beautés

  1. Voy. au chap. des Italiens.
  2. Malh., I, 360.
  3. « Aime une ombre comme ombre » (I, 41).
  4. Malh., I, 58.
  5. Antiquités de Rome, Sonnet 27.
  6. Montchrestien, Tragédies (éd. elzév.), p. 85.
  7. Malh., IV, 463.
  8. Politien l’avait sans doute prise lui-même aux anciens.