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certaines « gaberies » du moyen âge, et qui grandit de Villon à Molière, de Boileau à Voltaire. Il y a un mysticisme breton qui s’emmêle dans la trame du roman arthurien, et dont il flotte encore des survivances dans l’imagination de Chateaubriand, ou dans la religiosité inquiète de Lamennais ou le sens idéaliste de Renan. Il y a une fougue méridionale qui s’épanche en plusieurs générations de rhéteurs et de tribuns. Et de tous ces éléments qu’un mouvement incessant amène vers le centre moral du pays, la France littéraire — comme la France politique — s’assimile à chaque époque ceux qui répondent le mieux aux conditions organiques de son développement et aux besoins du moment. L’esprit normand se trouva être, une fois, l’esprit du temps, et c’est alors que parut Malherbe[1].

  1. M. Lanson (Hist. de la litt. fr.) a très bien dit de Malherbe : « S’affranchissant des doctrines aristocratiques et pédantesques de la Pléiade, ce gentilhomme normand, qui avait le sens pratique d’un bourgeois, trouvait la conciliation du rationalisme et de l’art ». — V. aussi Brunetière, L’évolution des genres. 2e éd., p. 58.

    L’esprit normand a souvent été défini en France depuis Michelet (Histoire de France, t. II) jusqu’à Taine (Hist. de la litt. angl., t. I), M. Chéruel et surtout Gaston Paris, La litt. normande avant l’annexion (1896), et aussi L’esprit normand en Angleterre (Poésie du moyen âge) ; en Allemagne, depuis Schlegel jusqu’à M. Hermann Suchier, le savant fondateur de la Bibliotheca normannica. Je me suis appliqué ici à laisser parler les Normands eux-mêmes, et j’ai surtout tenu compte de ceux qui ont assez longtemps vécu avec leurs compatriotes pour prendre un pli décisif. Je n’ai pas allégué, par exemple, le poète sur commande Benserade, ni l’impassible Mérimée, qui appartiennent à des familles normandes, mais sont nés et ont toujours vécu à Paris. — Déjà Michelet et Sainte-Beuve et, plus récemment, M. Basset (peut-être avec excès), Gaston Paris (l. l.), M. Arnould (Malherbe et son œuvre, dans la Quinzaine, 16 oct. 1902, p. 438)