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Si mes parents sont morts, ils ont payé la dette
Qu’on doit en ce séjour ;
L’homme vit tout ainsi qu’une fleur vermoillette
Qui vit le cours d’un jour[1],


stance construite exactement comme celle de Malherbe, et qui présente la rime de séjour et de jour comme la première rédaction des Stances à du Périer. Le même auteur console encore dans les termes suivants Chamgoubert qui a perdu son jeune frère :

Chamgoubert, ce n’est rien de cette pauvre vie,
Le matin nous l’avons, le soir elle est ravie…
À peine un blond cotton[2] faisoit homme ton frère,
Quand la mort se faschant de me voir sans misère
Vint racler tout à coup de ses ans la beauté.
Ainsi voit-on la rose au matin épanie
Sans plus d’honneur au soir en sa beauté flétrie[3].


Malherbe, s’y reprenant à deux fois, et arrangeant les mots mieux que personne, devait donner à la pensée traditionnelle son dernier lustre.

À la façon des poètes du XVIe siècle aussi, Malherbe interpelle son âme et ses pensers — on l’a vu plus

  1. Ode III (De la Rue, Essais historiques sur les Bardes, les Jongleurs et les Trouvères normands et anglo-normands, Caen, 1834, t. III, p. 369). Malherbe emploie aussi la rime séjour-jour dans une imitation de Martial (I, 24).
  2. Ce « coton » pour : la barba naissante, terme familier à Ronsard et aux poètes du XVIe siècle, se retrouve encore chez Malherbe, dans l’Ode sur la bienvenue de Marie de Médicis (I, 50). Elle a vécu autant que le classicisme, et Lamartine l’emploie encore dans ses tout premiers vers (E. Deschanel, Lamartine, I, p. 51, cite des vers de 1808 où le poète de dix-huit ans parle du « coton » de son frais visage).
  3. Bouquet, Ode V.