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il suffisait de se souvenir du vers de Ronsard que le sévère commentateur de Desportes avait trouvé bon :

Un homme qui languit ne sauroit bien parler[1]


ou d’autres qu’on rencontre à tout instant chez Ronsard :

Non, celuy n’aime point, ou bien il aime peu,
Qui peut donner par signe à cognoistre son feu[2]


ou chez Desportes, ou surtout chez Bertaut :

Ceux-là souffrent bien peu qui se plaignent beaucoup[3].
Le mal n’est guère grand qui se peut bien dépeindre[4].


Malherbe, qui pensait et écrivait toujours « avecque raison », n’avait qu’à se rappeler ses prédécesseurs en poésie pour déraisonner en vers — de même que Boileau empruntera à Pindare une espèce de désordre lyrique. Malherbe s’est fréquemment souvenu de Ronsard. D’abord tous deux traitent souvent des sujets analogues, et Apollon, les filles de mémoire, la docte neuvaine, sont de rigueur des deux côtés. Ensuite les termes mêmes de Ronsard se retrouvent parfois dans les vers de Malherbe : le premier appelait en ces termes les Muses à la rescousse contre ses calomniateurs :

Muses qui habitez de Parnasse la crope,
Filles de Jupiter qui allez neuf en trope,
Venez et repoussez par vos belles chansons
L’injure faite à vous et à vos nourrissons[5].

  1. Sonnet de Ronsard en faveur de la Cléonice de Desportes (Desp., éd. Michiels, p. 231) ; cf. Malh., IV, 353.

    Cf. Pétrarque, I, Son. 188 :

    Chi puo dir com’egli arde, e’n picciol foco.

  2. Ronsard, t. I, p. 401.
  3. Cf. Bertaut, éd. Chenevière, p. X.
  4. Bertaut, Élégie I.
  5. Ronsard, t. VII, p. 110.