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des œuvres du chantre de Cassandre ; sous le portrait de Cassandre on lisait en effet ce quatrain de Malherbe :

L’art, la nature exprimant,
En ce portrait me fait belle ;
Mais si ne suis-je point telle
Qu’aux écrits de mon amant[1].


Malherbe ne pouvait dire moins sans ingratitude, car il avait trouvé dans Ronsard la matière de bien des vers[2]. D’abord Ronsard et tout le XVIe siècle pétrarquisaient au point que, pour le faire après eux, il était à peine besoin de remonter à la source. Ainsi, pour exprimer l’idée que Montaigne résumait par un vers de Pétrarque, et que Malherbe met dans la bouche d’Alcandre :

Jamais l’âme n’est bien atteinte
Quand on parle avecque raison[3],

  1. Malh., I, 251. C’est sans doute ce qui a fait croire à un panégyriste de Ronsard (Ronsard, éd. Blanchemain, t. VIII), que Malherbe avait « tendu la main » à Ronsard, se montraint plus juste que Boileau. — Malherbe connaissait assez la langue de Ronsard pour rappeler à propos de Desportes qu’il emploie fère (Malh., IV, 266) et qu’il tient la forme nic du Vendomois (IV, 469).
  2. M. Allais (Malherbe et la poésie française) a rappelé tout ce que Malherbe devait, au point de vue de la versification, à Ronsard, et on a dit avec raison que l’ode de Malherbe était l’ode de Ronsard avec de légères modifications. M. E. Dreyfus-Brisac, Les classiques imitateurs de Ronsard, Malherbe — Corneille — Racine — Boileau (Paris, Calmann-Lévy) dans les pp. 16-80 consacrées à « Ronsard et Malherbe », et où du reste les rapprochements ne sont pas absolument tous oiseux, a montré le danger qu’il y a à vouloir trouver un auteur dans un autre. M. Dreyfus, qui, comme Boileau, critique en vers, s’est écrié (p. 3), non sans force injures à l’adresse de Malherbe :

    Quand Malherbe biffait tout Ronsard d’un seul trait,
    Il s’effaçait lui-même et brisait son portrait.

  3. Malh., I, 152.