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longtemps qu’il avait déjà écrit des vers dans le même goût. L’éclatante folie du poète italien et la réforme, toute de sobriété, de l’auteur français, sont contemporaines ; mais elles sont restées indépendantes l’une de l’autre, et même hostiles. Au chant neuvième[1] de son Adonis (dans la Fontana d’Apollo), Marino fait rivaliser entre eux les cygnes italiens, Pétrarque, Dante, Boccace, le Bembe, Casa, Sannazar, le Tansille, l’Arioste, le Tasse et le Guarini : il y en a là dont Malherbe s’était lassé depuis longtemps, et pour plus d’un il n’aurait peut-être pas témoigné plus de déférence que le hibou qui, dans la fiction de Marino, vient troubler le concert toscan.

Toutefois, s’il a été un moment un trouble-fête dans le monde mariniste de Rambouillet, le réformateur français n’a pas tranché définitivement la question de l’italianisme ; il en voulait aux Italiens, mais il avait commencé par les suivre, autrefois, et il s’en ressentit un peu toute sa vie. Ici comme en d’autres points « son usage n’est pas sa doctrine[2] », et sa doctrine elle-même, malgré qu’il en eût, n’a pas réussi à purger la France de l’italianisme, qui allait reprendre de plus belle : ses leçons devaient porter leurs fruits assez tard, ses ennemis se sont relevés, et c’est contre les modes étrangères et en particulier italiennes que Boileau portera ses coups, enfin décisifs[3]. Malherbe, dans son œuvre, n’est plus un adaptateur et un copiste des Italiens comme du Bellay ou Desportes ; mais déjà Bertaut n’avait-il pas cessé de l’être[4] ? Et dans les poésies laborieuses, « faites par

  1. L’Adone, canto nono, str. 177 et suiv.
  2. Brunot, La doctrine de Malherbe, p. ix.
  3. Brunetière, Évolution des genres, 3e  leçon.
  4. Cf. Vianey, article cité de la Revue d’histoire littéraire.