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admirait le cavalier Marin presque sans réserve, et se préparait à l’imiter, Malherbe, qui avait admiré et utilise l’Aminte, ne prit rien aux ouvrages de Marino ; et, si ce dernier — comme le prétend un récent critique italien[1] — a fait des emprunts au poète français, la réciproque n’est pas vraie : on chercherait en vain dans les dernières productions de celui-ci la trace des effusions lyriques ou bucoliques de la Lira et de la Sampogna. Tout au plus pourrait-on prétendre que la chanson :

Sus debout la merveille des belles[2]


est dans le genre voluptueux dont l’auteur des Baisers se trouvait être le grand maître à cette date (la chanson parut en effet dans les Délices de la poésie française de 1615[3]) ; mais on en trouve aussi bien les éléments dans le Tasse, on l’a vu plus haut, et elle n’a rien de l’exubérance du poète napolitain. Malherbe et le cavalier Marin diffèrent profondément l’un de l’autre quand ils écrivent sur le même sujet, rien qu’en faisant tous deux, par exemple, l’éloge de la reine ; rien non plus ne prépare moins au ton de l’Ode pour le roi allant châtier les Rochelois que l’éloge de Louis placé au commencement de l’Adonis[4]. Ce n’est pas non plus à la suite du cavalier Marin, ce n’est pas du moins à son imitation que Malherbe « adorait mystiquement la marquise de Rambouillet[5] » : il avait pour cela assez d’autres modèles, et il y avait bien

  1. Antonio Belloni, Il Seicento, p. 72.
  2. Malh., I, 226 et 227.
  3. Ce n’est que depuis Lelebvre de Saint-Marc qu’on réunit cette pièce aux œuvres de Malherbe.
  4. L’Adone, poema del cavalier Marino, La Furtuna, canto primo, str. 5 et suiv.
  5. C’est ce que semble dire de Puibusque, dans l’ouvrage cité.