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bergère, Rosette, qu’il donnait à la fille de du Périer dans la première rédaction des Stances, il mettra le mot rose comme attribut de la jeune morte, en gardant la répétition à la manière italienne :

Et rose elle a vécu ce que vivent les roses[1].

Malherbe reprenait donc aux Italiens qu’il dédaignait et surtout à celui qu’il admirait, au Tasse, les idées et les formules de la poésie amoureuse ; il s’inspirait peut-être de leur métrique[2] plus qu’on ne l’a dit ; il prenait parfois heureusement les grâces de leur style. — Il sera du reste l’ennemi personnel de cette recrudescence d’italianisme qui se manifeste sous la reine régente, particulièrement avec le cavalier Marin ; à cet égard — si même il admire le Tasse justement dans les années où il fréquente l’hôtel de Rambouillet — il n’a pas été dupe de la mode. Il va voir, à l’invitation de la reine, les comédiens italiens qui viennent jouer à la cour — comme il va voir la Bradamante[3] de Garnier dans les mêmes cir-

  1. Dans le madrigal du Guarini déjà cité par Ménage (p. 561), Lycoris donnant une rose à Battus est si charmante

    Che parea rosa che donasse rosa,


    et le berger souhaite « d’aver la rosa donatrice in dono ». Il est fort possible que Malherbe, à propos de la fille de Du Périer, ait songé au vers du Pastor Fido que Mme de Staël (Corinne, XX, 2) montre écrit au bas du portrait de son héroïne :

    A pena si puo dir : questa fu rosa.

  2. Nous n’étudions pas ici la métrique de Malherbe ; mais nous remarquerons au moins que l’influence italienne en cette matière, devinée jadis par E. Arnould, peut fort bien s’être exercée sur l’ennemi du cavalier Marin lui-même ; M. Vianey (Revue d’histoire littéraire de la France, 1904, p. 159) montre ingénieusement le parallélisme de la métrique italienne et de la française à cette époque.
  3. Malh., III, 247 et suiv.