Malherbe gémit de même, en pareil cas :
Le seul remède en ma disgrâce,
C’est qu’il n’en faut point espérer[1].
Alors, que faire ? Il n’y a plus qu’à « se défaire », comme parle Montaigne, c’est-à-dire qu’à se tuer, et c’est ce que chacun fait, ou plutôt menace de faire :
È uso ed arte
Di ciascun ch’ama, minacciarsi morte[2].
Aussi le comte de Soissons, dans les vers que Malherbe lui fabrique, s’exhorte au suicide avec une éloquence intarissable[3], et Alcandre et d’autres s’étaient déjà montrés non moins énergiques. On ne peut pourtant mourir sans avoir dit tout ce qu’on pense : Brutus lui-même ne se poignarde pas sans avoir dit à la vertu qu’elle n’est qu’un nom. Un amant, avant de se jeter à l’eau, dira son fait à l’honneur, ce vain préjugé qui arrête et entrave l’amour en traitant le plaisir de crime, au lieu d’en faire, selon la loi de nature, le seul devoir. De là tous les « lieux communs de morale lubrique[4] », toutes ces tirades contre l’honneur qu’on trouve chez tous les poètes italiens, chez Bembo, chez tous les
- ↑ Malh., I, 302. De même que Corneille dit dans le Cid :
Ma plus douce espérance est de perdre l’espoir. (I, sc. 2).
- ↑ Aminta, acte III. scène I.
- ↑ Malh., I, 254.
- ↑
Et tous ces lieux communs de morale lubrique
Que Lulli réchauffa des sons de sa musique,dira Boileau (Satire X) : les thèmes favoris de la poésie italienne devaient, en effet, finir en musique après avoir envahi la poésie.