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C’est aussi ce que dira Malherbe :

Mais quel esprit que la raison conseille,
S’il est aimé, ne rend point de pareille[1] ?

Si la belle ne suit pas le conseil de ce que le Tasse appelait le cœur, et Malherbe « la raison », on emploiera les exhortations les plus compliquées pour la fléchir, et l’amour qui a été une géographie dont Mademoiselle de Scudéry sera le Strabon, devient aussi bien une mathématique. « Les Florentins, disait un voyageur du XVIIIe siècle, pourront bientôt se vanter d’avoir enseigné la galanterie mathématique aux Français[2]. » Il y avait longtemps que les Italiens avaient enseigné aux Français les imprécations par « deux, trois, quatre fois[3] », qui remontent d’ailleurs aux anciens. Si pourtant la bergère reste insensible, l’amant, comme les vaincus de Virgile[4], n’a plus d’autre espoir que le désespoir, et Aminte s’écrie :

Oimè ! che mia salute
Sarebbe il disperare
[5].

  1. Malh., I, 227.
  2. L’Italia, tradotto… (1778), cité par d’Ancona en Appendice du Journal du voyage de Montaigne en Italie, p. 633 et 634.
  3. Ronsard, t. I, p. 40 : « Ô moi deux fois, voire trois, bienheureux ». — Du Bellay, Regrets, Sonnet CVI : « Ô trois et quatre fois malheureuse la terre ». — T. Tasso, Aminta, III, I : « O tre fiate et quattro ingratissimo sesso ». — Malherbe dit dans les Larmes de Saint-Pierre (I, p. 13, v. 241) : « Et vous, femmes, trois fois, quatre fois bienheureuses ».
  4. Una salus victis, nullam sperare salutem. Virg., Énéide, III, 354.
  5. Aminta, acte III, scène II.