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certainement aucune œuvre, ancienne ou moderne, dont le réformateur ait parlé en termes aussi élogieux : aussi s’en servira-t-il au moins autant que des « sottises » de Pétrarque : pour parler d’amour, il quitte un Italien pour un autre. C’est que l’italien était, depuis le XVIe siècle, la langue de la galanterie, comme le grec l’avait été à Rome[1], comme le français le fut un peu en Allemagne :

Chi può dir com’ egli arde, è in picciol fuoco,


disent, du temps de Montaigne, les amoureux qui veulent représenter « une passion insupportable[2] » : ce vers de Pétrarque, tous les poètes français du XVIe siècle, du Bellay, Ronsard, Desportes et aussi Bertaut, l’ont très souvent paraphrasé, comme encore Malherbe, et ils ont tous fait leurs vers amoureux sur le modèle des vers italiens. Malherbe et ses élèves écrivent souvent d’après l’Aminte, et les vers de Racan qu’on cite encore aujourd’hui avec admiration[3] ne sont que la traduction des paroles du berger italien :

    Aminte, fable bocagère, imprimée en deux langues pour ceux qui désirent avoir l’intelligence de l’une d’icelles, par Guillaume Belliard. In-12, Paris, Abel l’Angelier, 1596, puis à Rouen, Claude Le Villain en 1598, 1603 et 1609 ; voyez Arnould, Racan, p. 194, n. 2, 197, et Anecdotes, 5 ; Martinenche, La Comedia espagnole en France, p. 153 ; J. Blanc, Bibliographie italico-française (2 vol., Paris, Welter 1886).

  1. Voy. par exemple combien de mots grecs se trouvent dans le passage où Lucrèce parle des amants (De Natura rerum, IV, 1129-1145).
  2. Montaigne. Essais. I, 2 (éd. Le Clerc, t. I, p. 15). Pétrarque, I, Sonnet 188.
  3. Petit de Julleville, dans l’Histoire de la langue et de la littérature française publiée sous sa direction (t. IV, p. 18) y admire « un sentiment très simple et tout naïf ».