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ressent de l’émotion. « Le flot fut attentif », dira Lamartine après Quinault. C’était bien plus dramatique du temps de Malherbe : quand Alcandre fit « le récit de sa peine » en « se fondant en pleurs »,

Le fleuve en fut ému ; ses Nymphes se cachèrent ;
Et l’herbe du rivage où ces larmes[1] touchèrent
Perdit toutes ses fleurs.

Mais il n’y avait pas que Pétrarque chez les Italiens[2], et une conception plus sensuelle de l’amour, et mieux à la portée de Malherbe, avait été célébrée par toute la renaissance italienne, et révélée par elle à toute l’Europe, scandalisant jusqu’aux Anglais. Les écrivains italiens du XVIe siècle ressemblaient mieux aux contemporains de Henri IV, et ils ont été aussi goûtés, mieux compris et plus facilement imités que l’amant de Laure. Alexandre Hardy dira du Tasse, du Guarini « et autres sublimes esprits » : « Ce sont les docteurs du pays latin, sous lesquels j’ai pris mes licences, et que j’estime plus

  1. Ses larmes, ce sont les larmes d’Alcandre ; ce vers était d’abord :

    Les astres se cachèrent
    Et la rive du fleuve où ses pieds la touchèrent…

    (Malh., I, 161 et var.).

    Les mêmes fictions se trouvent chez Desportes (v. plus bas).

  2. C’est ce que M. Vianey a rappelé dernièrement aux historiens du pétrarquisme, dans l’important article qu’il a consacré au Bertaut de M. Grente (Revue d’histoire littéraire de la France, 1901, pp. 156-163). Malherbe appartient à la période d’influence du Tasse, dont M. Vianey signale très ingénieusement les débuts chez Bertaut. Ce n’est pas à dire qu’il ait tout à fait « désappris l’art de pétrarquiser », et il importa de remarquer que c’est surtout du Pétrarque que Malherbe retrouve et réprouve chez Desportes.