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De même que dans le Canzoniere

L’alma, ch’arse per lei si spesso ed alse,
Vaga d’ir seco, aperse ambedue l’ale,


de même le poète entremetteur, peignant une passion moins ailée, dira d’Alcandre :

Et son âme étendant les ailes
Fut toute prête à s’envoler[1].


C’est encore ainsi que parle la Jeune Veuve de La Fontaine :

et mon âme.
Aussi bien que la tienne, est prête à s’envoler[2].

Entre les pétrarquistes raillés par du Bellay

Et tous ces vains auteurs dont la muse forcée
M’entretient de ses feux, toujours froide et glacée[3],


les poètes français n’ont rien appris, rien oublié ; ou plutôt ils n’ont oublié une mode italienne que pour en suivre une autre, passant de Tebaldeo et du Séraphin à Sannazar et à Bembo, et de ceux-ci à Costanzo et au Tansille[4] et ensuite aimant par dessus tous les lyriques le lyrisme des chœurs[5] de l’Aminte du Tasse et du Pastor Fido du Guarini — en attendant qu’on s’éprenne de Marino et que les précieuses le portent aux nues ; et c’est toujours la même chanson d’amour, plus éthérée ou plus voluptueuse et sensuelle selon qu’on se rapproche ou

  1. Malh., I, 155.
  2. La Fontaine, Fables, l. VII, f. 21.
  3. Boileau, Art Poétique, II.
  4. Cf. Vianey, dans la Revue d’histoire littéraire de la France, 1904, p. 157.
  5. Sur ce lyrisme, cf. entre autres Fr. De Sanctis, Storia della letteratura italiana, 7e  éd., t. II, p. 191.