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conclut, en parlant de la façon dont les deux disciples de Malherbe « ont très bien marqué un des points principaux de son innovation et de sa réforme » : « Cette observation de Balzac et de Godeau se peut résumer ainsi : Ronsard et son école ne savaient pas l’art d’imiter ; dans leur ardeur et leur inexpérience première, ils transportaient tout de l’antiquité, l’arbre et les racines : Malherbe le premier sut et enseigna l’art de greffer les beautés poétiques[1] ». Ainsi Malherbe a joui pendant deux siècles de cette réputation d’originalité relative, et l’on a vu en lui l’homme supérieur qui avait tiré la poésie française de l’école et des mains des pédants[2]. Mais voilà que les meilleurs juges s’aperçoivent que Malherbe est moins original qu’on ne l’avait cru, et trouvent qu’on a parfois surfait son rôle : M. Brunot découvre l’influence de Du Vair là où l’on ne voyait que l’élaboration naturelle d’un génie indépendant[3], M. Allais montre que déjà l’adaptation des Larmes de saint Pierre était beaucoup plus littérale et moins ingénieuse qu’on ne pensait[4], M. Brunetière nous dit non seulement que « la sensation du poète ne vibre pas dans les vers de Malherbe… », que, « sachant ce qu’il voulait dire, c’est alors seulement que, pour le mieux dire, d’une manière plus vive, qui frappe

  1. Causeries du lundi, VIII, p. 58.
  2. Voyez par exemple le dithyrambe de Nisard, Histoire de la littérature française (17e éd.), I, 404-405.
  3. F. Brunot, La doctrine de Malherbe d’après son commentaire sur Desportes, dont la découverte à cet égard a été adoptée notamment par le duc de Broglie, Malherbe (Collection des grands écrivains).
  4. G. Allais. Malherbe et la poésie française à la fin du xvie siècle.