C’est luy, dame, qui peut avecque son bel art
Vous affranchir des ans et, vous rendre déesse.[1]
C’était Cassandre, ou c’était Hélène, qui inspirait à
Ronsard ses meilleurs vers ; Malherbe est plus à l’aise en
parlant de Henri IV qu’en parlant à Caliste : et c’est
peut-être là l’une des plus grandes différences entre les
deux poètes. Mais tous deux parlent le même langage,
ils ont en vers la même fierté : seulement ce que le
premier disait souvent du fond du cœur, le second ne le
répète que dans ses vers, et parce qu’il l’a entendu dire.
VI. — Les Poètes latins modernes.
La Renaissance admira les poètes et les écrivains anciens jusqu’à vouloir parler leur langue. On vit renaître non seulement Hector, Andromaque, Ilion, mais encore et surtout le latin. Malherbe pensa, comme du Bellay et comme Ronsard, qu’il fallait écrire en sa langue, et il disait qu’on ne comprenait pas les finesses des langues qu’on n’a apprises que « par art ». Il traite volontiers les humanistes comme Molière fera Trissotin. Il qualifie de pédants Érasme et Juste-Lipse, ne pouvant croire « qu’Érasme sût que c’est de civilité, non plus que Lipse sait que c’est de police[2] ». Lui-même pourtant avait trop étudié le latin pour ne pas y avoir pris goût, et il lui arrive de s’acharner au déchiffrement d’une inscription latine[3] ou d’une monnaie antique. Il connaît les res-