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on reconnaît de même dans la plupart des stances, et dans les plus fameuses, les pensées et les images des écrivains latins.

Au commencement du XVIIe siècle, le latin occupe encore une place immense dans l’enseignement et dans les lettres, et à Malherbe lui-même il arrive encore de penser que le français n’est propre qu’à des chansons et à des vaudevilles[1]. S’il ne parle pas latin aussi naturellement que Montaigne, on sent pourtant qu’il a été fort en thème. Sous un vers ambigu de Desportes il écrit : Quo me vertam nescio[2]. « Il avoit souvent à la bouche, à l’exemple de M. Coeffeteau : Bonus animus, bonus deus, bonus cultus[3]. » Il avait souvent aussi à la bouche une autre phrase latine, le vers que Prudence fait prononcer à Gallien : Cole dæmonium quod colit civitas[4]. En écrivant à Peiresc il parle parfois latin : « Je ne saurais vous dire quid dediderit locum huic fabulæ[5] » ; « vos bonnes grâces me sont chères ut nil nisi sidera supra[6] » ; « inter strepitus armorum, les pauvres Muses ne sont pas en leur élément[7] » ; « nous sommes en un temps

  1. Reste à savoir si Malherbe n’en voulait pas à l’esprit français autant qu’à la langue, car Alfred de Vigny a dit aussi que « tout Français, ou à peu près, naît vaudevilliste et ne conçoit pas plus haut que le vaudeville ».
  2. Malh., IV, 345.
  3. Racan, l. c., LXXXVIII, et lettre de nov. 1656 (v. plus haut, p. 51, n. 2).
  4. Sarasin mourut en parlant latin ; il répétait les yeux baignés de larmes : Discite justitiam moniti, et non temnere Divos (Cosnac, cité par Hippeau, Écrivains normands, p. 195).
  5. Malh., III, 312.
  6. III, 354.
  7. III, 546.