Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 8 —

que leurs devanciers, si Boileau accuse Ronsard d’avoir parlé grec et latin, si La Fontaine reproche au même Ronsard de gâter

Des Grecs et des Latins les grâces infinies[1].

De du Bellay à Boileau, de Ronsard à Racine, il y avait donc quelque chose de changé, et aux yeux de beaucoup de critiques, le novateur, en ce point comme en d’autres, était le seul Malherbe. « À proprement parler, avait dit Balzac en son Entretien XXXI, ces bonnes gens (les poètes de la Pléiade) estoient des Frippiers et des Ravaudeurs. Ils traduisoient mal au lieu de bien imiter. J’oserois dire davantage, ils barbouilloient, ils desfiguroient, ils deschiroient, dans leurs Poëmes, les Anciens Poëtes qu’ils avoient leus… Les imitations de l’homme que j’ay connu… sont bien moins violentes, sont bien plus fines et plus adroites. Il ne gaste point les inventions d’autruy en se les appropriant. Au contraire, ce qui n’estoit que bon au lieu de son origine, il sçait le rendre meilleur par le transport qu’il en fait. Il va presque toujours au delà de son exemple et dans une Langue inférieure à la Latine, son François égale ou surpasse le Latin. » C’est à peu près ce que pense aussi le panégyriste de Malherbe, Godeau, moins sévère pourtant pour la Pléiade, et cette opinion a fait fortune ; on la retrouve tout entière au XIXe siècle. Si Sainte-Beuve ne se borne plus, comme Ménage, à renvoyer le lecteur à « cet illustre Mr. de Balzac dans son Entretien XXXI[2] », il

  1. Épître au prince de Conti (Œuvres de La Fontaine, éd. Régnier, IX, 373).
  2. Les poésies de Malherbe avec les observations de Ménage, 2e éd. (1689), p. 648.