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Seulement, il y a des poètes qui se contentent d’exprimer cette idée sous une forme générale, sans insister sur « le sang étranger ». Il y en a d’autres qui ne se lassent pas de développer la pensée belliqueuse et meurtrière. Malherbe est absolument féroce dans ses promesses : il n’est pas de dévastation qu’il ne présage pour son prince, et le sang des ennemis monte dans ses vers comme dans ceux de Lucain et de Brébeuf : dans la Prière pour le roi allant en Limousin il commence par prier Dieu, et finit en promettant à Henri IV un massacre général de l’Espagne[1] ; il dira du fils :

Les Nomades n’ont bergerie
Qu’il ne suffise à désoler[2].

Il s’agissait là du « faon de lionne » qui sera le doux Louis XIII; et quand, quinze ans plus tard, le même Louis va châtier les Rochelois, son poète promet non seulement que Neptune va mettre incessamment ses Tritons à la disposition du roi « pour être ses matelots », mais encore

Que le sang étranger fera monter nos fleuves
Au-dessus de leurs bords[3].

Avec un pareil goût, Malherbe devait recueillir avec empressement les promesses de destruction des ennemis qu’il rencontrait chez les anciens. Il en trouvait assez.

  1. Malh., I, 74.
  2. Malh., I, 217. Dans un fragment sur la prise prochaine de la Rochelle, Malherbe proclame déjà que la ville n’est plus qu’un cimetière ; un autre poète disait aussi, à la même occasion : « Cette ville sera détruite… » (Lachèvre, Bibliographie des recueils de poésies publiés de 1597 à 1700, t. I, p. 404).
  3. I, 282.