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V. — Stace, Martial, Tibulle, Catulle, Properce, Claudien. Influences générales des Latins.


C’est un fait bien connu, que les écrivains de la décadence trouvent plus d’imitateurs que les grands classiques. Il est plus facile de butiner dans l’Anthologie que de pindariser, et si l’on cherche seulement, chez les anciens, des pensées fortes et des sentences lapidaires, des images poétiques ou quelques fictions mythologiques, on trouve aussi bien tout cela, et plus à portée de la main, dans les poetae minores. Virgile est trop poète : Lucain est bien plus orateur, Stace est bien plus facile, plus près de l’esprit d’un Français un peu rhéteur.

Tel s’est fait par ses vers distinguer dans la ville,
Qui jamais de Lucain n’a distingué Virgile.[1]


Malherbe, lui, distingue Stace de Virgile, et c’est pour donner à Stace la première place. « Pour les Latins, celui qu’il estimoit le plus étoit Stace, qui a fait la Thébaïde, et après Sénèque le Tragique, Horace, Juvénal, Ovide, Martial[2]. » Ce qu’il pouvait goûter dans Sénèque le Tragique, c’étaient ces lieux communs dont nous l’avons vu se pénétrer dans les Épîtres et le Traité des Bienfaits. D’Horace et d’Ovide, nous avons dit aussi ce qu’il avait pris. De Juvénal, il avait moins l’occasion de se servir, ne composant pas des Satires à l’imitation

  1. Boileau, Art Poétique, IV (allusion à Corneille).
  2. Racan, l. c., p. LXX. La liste de Racan est d’ailleurs fort incomplète. Ménage (p. 389-90) dit aussi : « Malherbe préféroit Stace à tous les autres poètes latins, comme nous l’apprenons des Mémoires de Racan. J’ai ouï dire la même chose de Monsieur Guyet ».