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intéresse[1], et qu’une belle expression ne nous frappe que si elles éveillent en nous des souvenirs immédiats, personnels ou nationaux, les Stances à Du Périer disaient ce que la poésie française n’avait pas encore dit. Ce qu’elles ajoutaient de neuf, c’est ce qu’ajoutera chaque fois le classicisme à la conception de l’antiquité telle que se l’était faite, par exemple, le moyen âge, et aussi à la conception du XVIe siècle — de laquelle, du reste, le classicisme aura à retrancher plus encore qu’à ajouter. Voyez ce qu’Horace devient de Jean de Meung à Boileau :

Oraces dist, qui n’est pas nices :
Quant li fol eschivent les vices
Il se tornent à ler contraire
[2].

Qu’est-ce que cela peut nous faire ? Mais que Boileau dise :

Souvent la peur d’un mal nous conduit dans un pire,
  1. Le même processus se reproduit dans tous les domaines, qu’il s’agisse des vers latins au XVIIe siècle ou des méthodes historiques au XIXe. Pourquoi les Français trouvent-ils une si grande différence entre la Vie de Jésus de Strauss traduite par Littré et la Vie de Jésus de Renan ? C’est que ce dernier a « nationalisé » beaucoup d’idées et de recherches allemandes, qu’il peint Jésus après avoir vu Lamennais et qu’il retrace la pensée des anciens Hébreux en montrant sinon « le Louvre » comme Malherbe, au moins « les Tuileries » : « Supposons un solitaire demeurant dans les carrières voisines de nos capitales, sortant de là de temps en temps pour se présenter au palais des souverains, forçant la consigne et, d’un ton impérieux, annonçant aux rois l’approche des révolutions dont il a été le promoteur. Cette idée seule nous fait sourire. Tel, cependant, fut Élie. Élie le Thesbite, de nos jours, ne franchirait pas le guichet des Tuileries ». (E. Renan, Vie de Jésus, éd. pop., 77e éd., p. 255).
  2. Roman de la Rose, v. 6473-6475.