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Oderunt peccare boni virtutis amore ;
Tu nihil admittes in to formid ne pœnœ
[1],

et l’on avait fait de ces termes un nouveau vers :

Oderunt peccare mali formidine pœnœ.

Malherbe, qui a plus de confiance dans les gendarmes de Henri IV que dans l’amour du bien, dit dans la Prière pour le roi allant en Limousin :

Tous, de peur de la peine, auront peur de faillir[2].

Ainsi il applique aux Français les expressions dont le poète latin se servait en parlant des bons et des méchants. C’est aux Français aussi, et aux Français de 1600, que Malherbe applique la fameuse sentence d’Horace sur la mort :

Pallida mors æquo pulsat pede pauperum tabernas
Regumque turres
[3].

Cette sentence, il y avait longtemps que les Français l’avaient traduite : nul ne l’avait fait avec le même succès que Malherbe. Déjà au moyen âge, le moine Hélinand avait dit dans son Vers de la mort (qu’édita au XVIe siècle un jurisconsulte fort soucieux d’éloquence française, Loisel) :

Mors, tu abas a. I. seul jor
Ainsi le roi dedens sa tor
Com le povre dedens son toit.

C’était la pensée la plus banale du monde, et les vers d’Horace étaient le modèle le plus connu des imitateurs :

  1. Épîtres, I, XVI.52.
  2. Malh., I, 71.
  3. Hor., Odes, I, IV, 13.