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Il s’en sert aussi pour faire dire à Étienne Puget qui regrette la mort de sa femme :

Comme tombe une fleur que la bise a séchée,
Ainsi fut abattu ce chef-d’œuvre des cieux[1].

Dans tous ces vers il se souvient évidemment de ses auteurs français, italiens et surtout latins. En effet, l’Énéide, comme au reste déjà l’Iliade, comparait le guerrier blessé à la fleur déchirée ou flétrie, et les vers latins présentent tous les termes que Malherbe utilise avec tant d’empressement : ainsi Euryale, percé d’un coup d’épée, s’affaisse, ensanglanté

Purpureus veluti cum flos succisus aratro
Languescit moriens, lassove papavera collo
Demisero caput, pluvia cum forte gravantur
[2] ;

et le jeune Pallas — dont Balzac et ses amis se souvenaient à la mort du jeune Malherbe — est représenté

Qualem virgineo demessum pollice floreno,
Seu mollis violae, seu languentis hyacinthi
Cui neque fulgor adhuc, necdum sua forma recessit[3].

Cette image — qu’il ne faut pas toujours confondre avec celle, aussi répandue, de la brièveté de l’éclat des fleurs et de la vie humaine — on la retrouve chez les poètes de tous les temps, chez Pétrarque[4], chez le Tasse

  1. id., I, 223.
  2. Énéide, IX, 434-436. On a encore voulu voir une réminiscence de ce passage dans les vers de Hérédia (Hist. de la l. et de la litt. fr. de Petit de Julleville, t. VIII, p. 44).
  3. Énéide, XI, 63.
  4. Come fior colto (Pétrarque, In morte di Madonna Laura, canz. III, pièce 6, v. 10).