Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 107 —

Comme tout cela reste vain, Alcandre se consume de souffrance et n’a plus « que les os et la peau », comme dira La Fontaine ; Malherbe exprime cela bien plus savamment. Tandis que Ronsard et Desportes disaient qu’ils n’avaient plus que les os[1], ou qu’ils avaient la peau collée sur les os[2], Alcandre fleurit sa maigreur d’une image virgilienne :

Aussi suis-je un squelette,
Et la violette
Qu’un froid hors de saison
Ou le soc a touchée
De ma peau séchée
Est la comparaison[3].

Cette image, Malherbe l’affectionne. Quand, après la mort du roi, il décrit la douleur de la reine, en des vers si laborieux qu’ils n’étaient pas finis au bout de dix-huit ans, il recourt aux hyperboles les plus extravagantes[4] et encore une fois à la comparaison classique :

Et sa grâce divine endure en ce tourment
Ce qu’endure une fleur que la bise ou la pluie
Bat excessivement[5].

  1. Je n’ay plus que les os, un squelette je semble…

    Ronsard, t. VII, p. 312.
  2. Desportes, éd. Michiels, p. 493.
  3. Malh., I, 164.
  4. Les pleurs de la reine,
    C’est la Seine en fureur qui déborde son onde
    Sur les quais de Paris (I, 479).

    De même déjà la mère de Geneviève Rouxel « épuisait son cerveau en un ruisseau de pleurs » (Gasté, o. c., p. 43), et une Consolation retrouvée dans l’exemplaire de Martial de Malherbe (Bourrienne, o. c., p. 195) dit que consoler la personne éprouvée c’est affronter l’orage de la mer Égée. C’était là une tradition poétique qui remontait à la Pléiade (Du Bellay, Olive, sonnet 95 ; Chamard, J. Du Bellay, p. 187) et à l’Italie.

  5. Malh., I, 179.