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Les termes classiques : cingere muris oppida… telluri infindere sulcos (v. 32 et 33) sont appliqués avec infiniment d’à propos au royaume de Henri IV :

La terreur de son nom rendra nos villes fortes,
On n’en gardera plus ni les murs ni les portes…
Le fer mieux employé cultivera la terre.

Malherbe met dans l’avenir du dauphin autant d’espoir que Virgile dans celui de Marcellus :

Hinc, ubi jam firmata virum te fecerit aetas (v. 37)… :

Cependant son Dauphin, d’une vitesse prompte,
Des ans de sa jeunesse accomplira le compte[1].

Une gloire plus qu’humaine est réservée à l’un comme à l’autre :

Ille deum vitam accipiet, divisque videhit

Permixtos heroas, et ipse videhitur illis (v. 15 et 16) : de même le dauphin

De faits si renommés ourdira son histoire
Que ceux qui dedans l’ombre éternellement noire
Ignorent le soleil, ne l’ignoreront pas :

« pensée payenne de la gloire, indécente, disait Lefebvre de Saint-Marc, dans une pièce où l’on adresse la parole à Dieu, et où l’on parle d’un prince chrétien[2] » : ce qui montre que la théologie de Malherbe reste un peu, malgré tout, celle de Virgile. À part cette inconséquence de l’idée payenne de la gloire dans une poésie en forme de prière, la poésie virgilienne (si tant est qu’elle ait agi directement) n’a donné à la Prière pour le roi allant en Limousin rien que l’auteur n’ait admirablement approprié à son sujet : et ainsi « ces visions fraîches qui

  1. Malh., I, 74. La Prière de Malherbe compte exactement le double de vers de l’Églogue : 126 (Égl. 63).
  2. Poésies de Malherbe, éd. Saint-Marc (1757), p. 448.