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pas tout. Un autre jour, prophétisant encore, Malherbe écrivit :

Tout y sera sans fiel, comme au temps de nos pères,

puis, se ressouvenant du fameux vers :

Occidet et serpens et fallax herba veneni[1],

il corrigea en ces termes :

Tous venins y mourront comme au temps de nos pères,
Même ceux des vipères,
Et l’aconite bu n’empoisonnera pas[2].

Ce n’était pas encore assez beau ; et pour faire une promesse bien symétrique, le patient versificateur écrivit enfin :

Et même les vipères
Y piqueront sans nuire, ou n’y piqueront pas.

Il trouve aussi dans l’Églogue IV la formule de la suprême abondance : Omnis feret omnia tellus, et la rend en un alexandrin :

La terre en tous endroits produira toutes choses.

Puis, frappé sans doute de cette idée, il la développe avec plus d’empressement que de logique :

Tous métaux seront or, toutes fleurs seront roses,
Tous arbres, oliviers,
L’an n’aura plus d’hiver, le jour n’aura plus d’ombre,
Et les perles sans nombre
Germeront dans la Seine au milieu des graviers[3].

  1. Virg., Égl. IV, 24.
  2. Malh., I, 232. « Aconite » pour : poison en général se trouve aussi dans Virgile, et dans (Ov., Met., I, 147), et dans Ronsard (t. IV, p. 24).
  3. Malh., I, 232-233.