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Dans le Ballet de Madame, — la pièce que Malherbe préfère entre toutes ses œuvres — les grands personnages ont tous des noms d’églogue : « la grande bergère », Pan, Mopse[1] ; et le suprême éloge des « travaux » de Louis et de Marie est ainsi exprimé :

Sont-ce pas des effets que même en Arcadie,
Quoi que la Grèce die,
Les plus fameux pasteurs n’ont jamais égalés ?[2]

Malherbe n’avait pas seulement ces préoccupations bucoliques dans les « récits de bergers » dont on lui demandait les paroles pour les ballets royaux ou princiers : il prenait goût lui-même aux « bergeries » : « Un jour ils s’entretenoient Racan et lui de leurs amours qui n’étoient qu’amours honnêtes, c’est-à-dire du dessein qu’ils avoient de choisir quelque dame de mérite et de qualité pour être le sujet de leurs vers… Le plaisir que prit M. de Malherbe en cette conversation lui fit promettre d’en faire une Églogue, ou entretien de bergers, sous les noms de Mélibée pour lui et Arcas pour Racan, et je me suis étonné qu’il ne s’en est trouvé quelque commencement dans ses manuscrits, car je lui en ai ouï réciter près de quarante vers[3] ». Ainsi Malherbe s’exerçait lui-même dans le genre où devait briller son élève Racan. Dans les plus belles des stances où il célébrait le

  1. i, 231 et 232. Pan est le maréchal d’Ancre. Mopsus est le nom d’un berger de Virgile, et aussi, du reste, de deux devins ; un personnage du même nom figure dans l’Aminte de Tasse, dont Malherbe s’est peut-être souvenu plus que de Virgile ; — et son Arcadie se ressent probablement de celle de Sannazar.
  2. i, 229. Cf. Virg., Égl. IV, 58 et 59 :
  3. Racan, l. c., p. LXXXVI.

    Pan etiam Arcadia mecum si judice certet,
    Pan etiam Arcadia dicat sejudice victum.