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place[1] : cela ne l’a pas empêché de s’en souvenir et de s’en servir.

Et reprendre Homère et Virgile
Cela se peut facilement :
Mais bien qu’il soit d’avis contraire,
De croire qu’il puisse mieux faire,
Cela ne se peut nullement.

Ainsi disait Berthelot de Malherbe : celui-ci a souvent essayé de « faire » comme Virgile, et il a parlé des rois de France comme le poète latin faisait parler les personnages de ses Églogues. C’était déjà la mode chez les poètes français du XVIe siècle, et aussi chez les Italiens, et depuis les Henriot et les Margot des Églogues de Ronsard, jusqu’à Marie-Antoinette qui joue à la bergère, la houlette et les brebis ont été la poésie de la royauté. Malherbe a, comme tout le monde, chanté sur tous les tons :

Houlette de Louis, houlette de Marie[2].

Pour célébrer la régence de la reine mère, il peint la France d’après le modèle de la première Églogue :

Rien n’y gémit, rien n’y soupire
Chaque Amarille a son Tityre,
Et sous l’épaisseur des rameaux,
Il n’est place où l’ombre soit bonne,
Qui soir et matin ne résonne
Ou de voix, ou de chalumeaux[3].

  1. C’est au point que Racan (Malh., I, LXX) ne le mentionne même pas dans la liste des Latins que son maître « estimait ». — Malherbe reprenait en Virgile l’expression Euboïcis Cumarum allabitur oris : « C’est comme si on disoit : aux rives françaises de Normandie ». (Arnould, Anecdotes inédites sur Malherbe, p. 37 ; Racan, p. 59). — Virgile était du reste appris par cœur au XVIIe siècle (Mennung, Sarasin’s Leben u. Werke, t. I, p. 25).
  2. Malh., I, 229. — Ménage (éd. de Malh. avec commentaire, p. 529) « a ouï dire à Racan que Malherbe sur la fin de ses jours préféroit cette pièce à toutes ses autres ».
  3. I, 215.