cher. Mon père, ma femme et mon enfant. Vous surtout, mon amie.
Ma peine à qui la dire, qui me comprendra entièrement. Il me faut la voiler d’un sourire. Mais à la chère photographie qui me rappelle votre bon sourire encourageant, naïvement, je redis mes chagrins. Je raconte combien pour moi la vie fut méchante.
En me plaignant ainsi à votre image, j’ai la douce illusion de me confier à vous-même ; il me semble voir votre regard des jours heureux où vous étiez là près de moi, où votre sympathie si chaude et réconfortante, savait me faire oublier que même alors, la vie me rudoyait.
J’avais promis de vous oublier, j’ai essayé pourtant, mais pas très sincèrement, car au fond, tout au fond, je ne veux pas vous oublier.
S’il en est ainsi de vous, si vous avez gardé le même souvenir je vous attendrai dans le petit parc en arrière du Château.
Demain et après demain je serai là de neuf à onze heures du soir. Je vous attendrai et peu importe les empêchements, s’il en existe encore, nous fuirons loin de nos persécuteurs, dans un pays où nous pourrons épancher honnêtement et sincèrement notre amour.
Je demeure, en attendant le bonheur de vous revoir votre sincère et fidèle ami.
À peine eut-elle fini de lire qu’elle se sentit le besoin urgent d’être seule pour pouvoir pleurer, elle se retira précipitamment. Il était temps, car à peine était-elle sortie du salon qu’elle éclata en sanglots. Elle courut dans sa chambre.
Pierre qui avait remarqué ce départ précipité de Thérèse fut vite mis au courant par Jeanne de ce qu’elle avait vu, et reçut même des instructions qu’il se mit aussitôt en devoir de remplir.
Il monta à la chambre de Thérèse avec l’idée bien arrêtée de savoir le contenu de cette lettre. Lorsqu’il entra dans la chambre il la surprit à pleurer à chaudes larmes.
— Qu’as-tu ? lui demanda-t-il. Que contient donc cette lettre pour te faire tant de peine ? De qui vient-elle ? Où l’as-tu mise cette lettre ? Laisse-moi la voir. Toutes ces questions furent lancées sans arrêt.
— Je l’ai brûlée, répondit-elle.
Mais s’approchant d’elle il mit la main sur son corsage et il sentit le papier, au toucher.