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une échelle aussi vaste, on est forcé de reconnaître que le résultat a été à peine proportionné à la cause et se féliciter de la puissance des richesses accumulées qui nous a permis de traverser sans catastrophe des temps aussi difficiles.

Pour apprécier sainement les causes qui ont agi sur le taux de l’intérêt durant les années 1863 et 1864, il faut avoir présentes à l’esprit trois considérations : en premier lieu, pour la production du coton, on doit songer que la disparition complète de la récolte américaine ayant pour conséquence une élévation des prix égale au triple, au quadruple, un moment même au quintuple des anciens cours, avait surexcité l’esprit de spéculation en Europe et en Asie, au-delà de toutes les bornes ; que, par suite, l’appât des bénéfices à réaliser décidait le commerce à ne tenir aucun compte de l’intérêt des capitaux dont il avait besoin, et l’engageait à accepter sans examen le taux résultant des circonstances générales. En second lieu, pour les entreprises industrielles, il faut se rappeler que les profits considérables réalisés sur les émissions d’actions, à partir de 1852, et les dividendes élevés d’un grand nombre d’entreprises avaient fait concevoir aux capitalistes, grands et petits, des espérances souvent déraisonnables, et qu’il suffisait du patronage de quelques spéculateurs heureux et de certains grands établissements pour entraîner en Angleterre comme en France la foule des souscripteurs. En troisième lieu, en ce qui concerne les emprunts d’États, il ne faut pas perdre de vue qu’un gouvernement qui a besoin d’argent parvient toujours à s’en procurer, dût-il pour cela payer un taux exorbitant d’intérêt. Depuis quinze ans, tous les gouvernements ont usé largement du crédit public, et l’on a vu se présenter sur le marché monétaire des pays qui jadis n’y paraissaient jamais. C’est ainsi que l’Empire Ottoman, qui autrefois ne con- naissait pas les emprunts, et qui, en 1852, refusait de ratifier, par scrupule religieux, assurait-on, un premier emprunt négocié en France par ses agents, est entré depuis sur une très-grande échelle dans la voie de la dette publique. Ces nouveaux clients du marché des capitaux ont à subir des exigences coûteuses ; il leur faut payer