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pas encore arrivés à Sillery, qu’un coup de vent du Nord-Est, qui avait excité une terrible tempête sur la grande rivière, remplit la chaloupe et la coula à fond, après lui avoir fait faire deux ou trois tours dans l’eau.

« Ceux qui étaient dedans n’allèrent pas incontinent au fond ; ils s’attachèrent quelque temps à la chaloupe, M. Nicolet eut le loisir de dire à M. de Sévigny : « Monsieur, sauvez-vous, vous savez nager, moi je ne le sais pas, pour moi, je m’en vais à Dieu, je vous recommande ma femme et ma fille. » — Les vagues les arrachèrent tous les uns après les autres de la chaloupe qui flottait renversée sur une roche. M. de Sévigny, seul, se jeta à l’eau et nagea parmi les flots des vagues, qui ressemblaient à de petites montagnes. La chaloupe n’était pas loin du rivage, mais il était nuit toute noire, et il faisait un grand froid âpre, qui avait glacé les bords de la rivière. Le sieur de Sévigny, sentant les forces et le cœur lui manquer, fit un vœu à Dieu, et peu après, frappant du pied, il sentit la terre. Se tirant hors de l’eau, il s’en vint à notre maison à Sillery, à demi-mort. Il demeura assez longtemps sans pouvoir parler, puis enfin, il nous raconta le funeste accident, que outre la mort de M. Nicolet, dommageable à tout le pays, il avait perdu trois de ses meilleurs hommes, et une grande partie de ses provisions… Les sauvages de Sillery, au bruit du naufrage de M. Nicolet, coururent sur le lieu, et ne le voyant pas paraître en témoignèrent des regrets indicibles. Ce n’était pas la pre-