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les spectateurs

v — Les Spectateurs

La question des spectateurs, disions-nous, constitue avec celle des athlètes une des bases essentielles pour apprécier les dimensions à donner à la cité olympique. Au premier abord, il semble que tout se borne à faire le plus de place possible en vue de foules aussi nombreuses que possible. On s’est habitué à apprécier le succès d’une fête par le chiffre des assistants ; tant plus qu’il y en a, comme disent les paysans, tant plus qu’on est content. Appliquer ce grossier principe d’une manière permanente et définitive aux Jeux Olympiques, ce serait commettre la pire des erreurs. Nous disons : d’une manière permanente et définitive car, au début, la foule a son rôle à jouer qui est un rôle de consécration. Les milliers et milliers de spectateurs qui se groupèrent à Athènes, à Saint-Louis, à Londres, pour applaudir les vainqueurs des premières Olympiades donnèrent à l’institution son caractère mondial et international. De plus, quand il s’agit d’Olympiades dont le siège se transporte tour à tour d’un pays à un autre, on peut toujours compter sur la foule parce que ses éléments se renouvellent. Le projet dont il s’agit ici — l’établissement d’une nouvelle Olympie — ne permet pas ce calcul. Au train dont vont les choses, ou peut prévoir l’époque où il y aura satiété en ce qui concerne les spectacles sportifs, où la mode s’en détournera, où l’opinion des non-sportifs deviendra indifférente. En ce temps-là, l’appel à la foule par voie d’affiches, de réclames, etc…, risquera de ne pas aboutir. Sans doute, l’Olympie moderne par la beauté du cadre et la collaboration des arts attirera toujours ; il serait vain de compter néanmoins sur la fidélité des multitudes.

Nous ajouterons que ce ne serait pas là une certitude désirable, ni au point de vue technique ni au point de vue artistique. Techniquement, l’assistance trop nombreuse et ou domine l’élément non-sportif nuit au sport. Le spectateur idéal en matière de sport, c’est le sportsman au repos qui interrompt son propre exercice pour suivre les mouvements d’un camarade plus habile ou mieux entraîné. Voilà le principe ; on ne peut s’y tenir évidemment ; mais il faut s’en rapprocher. Quant au point de vue artistique, non seulement la grande foule moderne est laide par sa silhouette et sa couleur, mais il n’est pas facile de rendre supportable tout ce que cette foule exige pour être contenue : tribunes, enceintes, barrières, guichets, etc.