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les qualifiés

détriment des autres révolteraient la conscience publique. Les sports modernes ne peuvent admettre d’autre aristocratisation que celle de la perfection musculaire et celle-là n’est l’apanage d’aucune catégorie d’individus. Voilà pour la qualification sociale. La qualification ethnique figure déjà en quelque manière dans la chute du rétablissement des Olympiades ; il y est dit que chaque pays ne peut être représenté que par ses nationaux : nationaux de naissance et nationaux régulièrement naturalisés : la résidence même à vie ne saurait suffire ; il faut qu’on puisse se réclamer du drapeau sous les plis duquel on lutte.

Ln qualification morale existait dans l’antiquité, connexe aux prescriptions d’ordre religieux. De nos jours nous croyons qu’elle s’imposera de nouveau. Plus la solennité des Olympiades ira croissant, plus on tendra à leur rendre hommage si l’on peut ainsi dire, par l’épuration des participants, par la formation d’une véritable élite digne d’une circonstance si exceptionnelle. Mais ce qui s’impose d’une façon bien plus immédiate et bien plus nécessaire, c’est de réglementer la qualification technique. On conçoit, comme nous le disions à l’instant, que les Jeux ne peuvent comporter d’épreuves qu’entre les champions probables. Si le premier venu pouvait s’inscrire, les éliminatoires encombreraient la période olympique de concours sans intérêt et d’une organisation aussi coûteuse que délicate. Jusqu’ici ce sont les comités olympiques nationaux qui, formés dans chaque pays en vue des Jeux, ont procédé aux éliminatoires ou bien, plus simplement, ont choisi, parmi ceux qui se trouvaient libres de faire le déplacement, les athlètes dignes de représenter leur pays et capables sinon de remporter des victoires, du moins de se classer honorablement. Cette manière de procéder n’a pas été sans inconvénients : ou bien les éliminatoires n’ont pas eu lieu dans les conditions d’exactitude et de perfection désirables ou bien la désignation directe s’est trouvée entachée d’arbitraire. Aussi semblerait-il plus normal que fussent qualifiés de droit, par exemple, les vainqueurs des championnats nationaux disputés depuis quatre ans dans les diverses branches de sport. Les comités olympiques n’auraient dès lors qu’à dresser la liste des championnats « reconnus », c’est-à-dire présentant les garanties nécessaires — et la question de la qualification se trouverait fort simplifiée. Toutefois là encore, certaines difficultés naîtraient peut-être du fait qu’il n’existe pas dans tous les pays des championnats véritablement nationaux mettant en présence des représentants