continentaux, le Kentucky (1792), le Tennessee (1796) et l’Ohio (1802), et plus encore l’acquisition de la Louisiane (1803), font apercevoir soudain à l’Américain la possibilité de conquérir et de peupler tout le continent, d’un océan à l’autre. Il ne s’en était point avisé. La Constitution n’a prévu ni les agrandissements de territoires, ni la création de nouveaux États ; elle est d’hier pourtant, mais en la rédigeant, nul n’a entrevu de telles perspectives. Jusque-là chaque État est demeuré tourné vers l’Europe et sa seule ambition du côté de la terre a été la paix : ne plus être exposé aux incursion franco-indiennes constituait le vœu suprême. La doctrine de Monroë est si loin de la pensée des gouvernants que ceux-ci se sont engagés très volontiers à respecter « l’intégralité des possessions présentes et à venir de la couronne de France » en Amérique, et cette idée d’un agrandissement possible des colonies françaises n’a choqué personne.
L’utilité de posséder la Nouvelle-Orléans est évidente, ne fût-ce que pour acquérir le droit incontesté de naviguer sur le Mississipi ; l’Espagne précisément interdit cette navigation aux Américains. Et c’est là un droit dont ils ne peuvent se passer. Mais avec la Nouvelle-Orléans, la France vend la Louisiane, c’est-à-dire une immense étendue de terrain qui n’a point de limites au nord-ouest par la raison que cette partie du continent est encore inconnue : nul n’y a pénétré et l’on semble même assez peu empressé de la connaître. Ce vaste recul d’horizon grise pourtant le Kentuckien qui va devenir le père d’un second état d’âme comme le puritain fut le père du premier. Je vous ai tracé du Kentuckien un portrait hâtif ; je vous ai dit qu’il y avait en lui un peu de civilisation virginienne greffé sur un tempérament de trappeur et d’aventurier. Ne négligez aucune occasion d’étudier ce type étrange du Kentuckien. C’est lui qui a bouleversé les destinées du Nouveau-Monde ; ce qu’il en reste se retrouve aujourd’hui peut-être dans l’homme de Chicago, mais atténué et déformé. Le Kentuckien aimait le whisky, le duel et les cartes ; il était fou d’éloquence ; le sens de la grandeur était développé en lui d’une façon surprenante ; il voulait amplifier (magnify) toutes choses ; son patriotisme était pur, mais exalté. Napoléon était son Dieu et l’aigle son emblème. Il fut belliqueux. Il poussa à la guerre contre l’Angleterre en 1812 ; il voulut conquérir le Canada ; il obtint enfin l’annexion du Texas, l’invasion de la Californie, la guerre contre le Mexique. La prise de Mexico le ravit d’aise et le traité de Guadalupe Hidalgo combla ses vœux. Les États-Unis allaient maintenant