patrie une poignée d’hommes que tourmentait l’âpre désir d’une régénération individuelle conçue d’une manière étroite, mais sincère. Après une douloureuse odyssée, n’ayant trouvé nulle part la liberté qu’ils cherchaient, ils avaient été amenés à poursuivre une régénération collective ; puisque aucune des communautés existantes ne pouvait leur offrir asile et sécurité, ils avaient prétendu créer la communauté-type, celle qui devait guider, par la seule force de l’exemple, les nations d’Europe dans les voies de la réforme et du salut.
Le temps a passé ; les épreuves et les désillusions ont été multiples ; les coutumes puritaines se sont effacées ; surtout l’état d’esprit puritain s’est évanoui. Il s’est formé, sur l’autre rive de l’Océan, une collectivité qui, après tout, paraît devoir ressembler à celles du vieux monde, car ses fils versent le sang et veulent de l’or tout comme leurs cousins d’outre-mer… N’importe. Le vieil idéal subsiste. Il s’exprime naïvement dans les écrits, les paroles ou les actes.
Le régime de compression imposé par l’Angleterre à ses colonies pendant la fin du xviie et la plus grande partie du xviiie siècle, avait restreint leurs ambitions et les avait empêchées de les manifester. Avant que de songer à perfectionner les institutions, il faut vivre et la vie était difficile, là-bas. On avait à se battre contre les Indiens, contres les Français du Canada, bientôt contre la mère patrie elle-même. Cette longue période trempa vigoureusement la nation naissante ; elle ne s’enrichit guère : comment l’aurait-elle pu, soumise à des loi pareilles. Mais près de cent ans de luttes armées avaient rendu ses milices redoutables en même temps que le voisinage du péril, l’habitude de participer aux assemblées municipales, la diffusion de l’instruction avaient formé le citoyen.
L’Amérique d’alors est en retard sur l’Europe ; l’Américain est en avance sur l’Européen ; il est déjà mûr pour le self government. Et sitôt que les circonstances l’ont rendu, presque malgré lui, indépendant, il s’adonne de nouveau au rêve de ses pères. Les récits des voyageurs, les rapports des agents, presque tous les documents qui sont parvenus jusqu’à nous nous apportent la même impression sur ce que ressent l’Américain d’alors à l’égard de son pays ; il n’a pas encore de grandes ambitions matérielles, mais il a l’ambition morale de devancer le vieux monde au point de vue de l’organisation politique et sociale et de lui servir d’exemple.
Et alors, la Force entre en scène. La fondation de trois États