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Messieurs,

Je vous disais au début de ces leçons, qu’à mon sens, peu de peuples avaient autant besoin que le peuple américain d’être étudiés dans leur passé, pour être compris dans leur présent et devinés dans leur avenir. Et je vous en donnais une raison qui semble avoir surpris pas mal d’entre vous : c’est que peu de peuples ont été davantage remués par des idées et par des sentiments et se trouvent liés par des traditions plus impérieuses.

Quelles sont ces idées et ces traditions ? Je voudrais en terminant vous en offrir une sorte de résumé. Je voudrais dresser devant vous le bilan des grands faits matériels et moraux qui remplissent la période historique dont j’avais à vous entretenir et qui nous ont permis d’en déterminer le caractère. L’histoire, telle qu’on la comprend ici, a un but pratique : ici, la science s’acquiert en vue de l’action ; on apprend à agir. C’est pourquoi je me préoccupe de dégager de cet enseignement une conclusion pratique.

La grande idée qui domine la civilisation transatlantique, celle avec laquelle on doit toujours compter et qu’il ne faut jamais perdre de vue, c’est l’idée de la rénovation. À part une légère éclipse sous le régime colonial, cette idée n’a pas cessé de hanter les cerveaux américains, depuis l’homme d’État jusqu’à l’employé du dernier rang, depuis le littérateur jusqu’au cow-boy. La graine en fut déposée dans le sol du Nouveau-Monde par les pèlerins du May Flower qui débarquèrent dans la baie de Plymouth le 22 décembre 1620, et cette graine a germé en une moisson prodigieuse. Ainsi s’est fondée la croyance à la prédestination des États-Unis que tout Américain professe consciemment ou inconsciemment et qui inspire la plupart de ses actes. Il croit que son pays a reçu du ciel la mission spéciale de rénover le monde, de construire l’État modèle, de changer le sort des peuples.

Cet idéal national s’est formé en deux fois et chaque fois, c’est un fait matériel précis qui a provoqué le fait moral.

La persécution qu’ils avaient subie avait poussé loin de leur